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pas l’unique objet qu’on eût en vue. Les Bonaparte, avec d’autres débris des dynasties détrônées, avaient cherché un asile dans les bras du Père commun ; mais les jours de l’île d’Elbe n’étaient pas oubliés ; les réfugiés devaient être poursuivis jusque dans l’intimité de leur retraite, espionnés, persécutés en détail. La nouvelle inquisition fut habilement organisée ; ses familiers étaient partout. Tandis que d’un côté l’ambassadeur de l’Église gallicane ne semblait occupé qu’à défendre ses privilèges, le comte planait sans cesse sur le seuil de la famille détestée, et exigeait de ses agents (souvent domestiques et quelquefois pis) un rapport détaillé sur chaque individu qui avait osé le franchir sans son laissez-passer.

S’il y avait une salle, un plafond à peindre, défense était faite aux artistes français d’y travailler ; si l’on voulait dédier une gravure, il fallait que ce fût en secret. La reconnaissance devenait un crime du moment qu’elle était publique, et il n’y avait point de titre aux faveurs sans un oubli total du passé. C’était souillure de les saluer ; trahison de leur parler ; et l’Anglais qui ne se rappelait pas qu’il était aussi leur ennemi, et qui consentait à se montrer dans leurs cercles, était considéré comme indigne de sa nation et dévoué aux