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italienne, lorsque le cardinal Ruffo[1], général des chouans de la Calabre, le seul homme de tête du parti royal, jugea utile à la cause de Ferdinand III de présenter Mastrilli à ses soldats et à la populace comme étant le duc de Calabre, avec lequel il avait effectivement quelque ressemblance. Le bandit parut à un balcon, chamarré des ordres de Saint-Ferdinand et de la Toison d’or ; la multitude, trompée par les apparences, fit retentir l’air de ses vivat, et l’accueillit avec le plus grand enthousiasme. Ce prince d’un moment présenta sa main au cardinal Ruffo, et l’Éminence la baisa dans l’attitude la plus respectueuse.

Avant de se mettre à la tête de la petite troupe qui obéissait à Ruffo, Mastrilli prit ses précautions pour s’assurer de sa grâce et d’une récompense pécuniaire de la part du roi légitime ; soutenu par le peuple qu’on venait d’abuser avec tant

  1. Le cardinal Ruffo n’a rien de commun avec Fabrizio Ruffo, devenu prince de Castelcicala qui présida la junte royaliste à Naples de 1795 à 1798, et qui est mort à Paris, le 16 avril 1832. Ce cardinal Ruffo, sous le titre de vicaire et de lieutenant-général du royaume des Deux-Siciles, commandait une petite armée composée de bandits et de lazzaroni, auxquels s’étaient joints quelques émigrés français. Le vieux roi de Naples, démoralisant son peuple au profit de la royauté, avait organisé le brigandage en Calabre contre les Français, maîtres alors de sa capitale et de toutes ses provinces du continent.