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de la cascade et gagner des terrains cultivables sur ses bords.

J’ai suivi, pour revenir à Terni, un chemin qu’on a pratiqué tout au haut du bord oriental de la vallée, tout au bord du précipice qu’elle forme. J’étais fatigué d’admiration, j’avais besoin de sensations d’une autre espèce ; elles n’ont pas tardé à venir. Une paysanne qui passait m’a salué en riant d’un air de connaissance. J’ai pensé à l’air affable de mon petit guide, chose si rare en Italie, où c’est toujours l’air hagard de la méfiance et de la haine que l’on trouve dans les yeux mêmes des gens que l’on paye le mieux. J’ai interrogé mon petit guide ; un air malin brillait dans ses yeux si beaux ; il refusait de me répondre. Enfin il m’a dit en riant : « Je vois bien, seigneur Stéfano, que vous ne voulez pas être connu. Voici cependant l’habit que j’ai acheté avec les six écus que vous m’avez donnés à votre départ. »

J’abrège les détails infinis et fort amusants pour moi, qui ne comprenais pas. Je vois enfin que je suis M. Étienne Forby, paysagiste français, qui a passé vingt-six jours au petit village de Fossagno, occupé à peindre à l’huile tous les aspects de la cascade. Tous les paysans que je rencontre me saluent avec une bienveillance marquée, je vois que je suis un brave homme. De