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qui n’était pas sans mérite et qui était fort supérieure à sa conversation.

À Rome l’opinion publique n’a autre chose à faire que de demander : Comment se porte le Pape ? — Après la réponse à cette question de tous les matins, on parle peinture et musique. Le prix d’un tableau de Schnetz ou de Chauvin est donc connu à un louis près. Un étranger qui se mêlerait à la société romaine pourrait acheter directement les tableaux aux peintres, qui en sont les auteurs. Ces artistes, dégoûtés des dialogues qu’il leur faut soutenir avec les Anglais, et dont je viens de donner un échantillon, chargent des brocanteurs du soin de vendre leurs ouvrages. J’ai vu des Anglais venir montrer à leur banquier, le duc Torlonia, des tableaux qu’ils venaient de payer soixante ou quatre-vingt louis et qui en valaient quinze ou vingt, tout au plus. Tout le monde riait sous cape et l’insolence habituelle de ces messieurs faisait que personne n’avait la charité de les prémunir contre la friponnerie des brocanteurs subalternes.

Vous allez croire que je hais les Anglais, loin de là, j’aime les civilisations anglaise et française ; ce sont pour moi les deux premiers peuples du monde. L’Italien, si Napoléon eût régné vingt ans de plus, serait devenu au moins l’égal du Français et de