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non pas celui de la conversation habituelle, est fils d’un marchand très riche de Londres. Nous entrâmes ensemble, nous vîmes le tableau célèbre. Au sortir de la chapelle, le jeune Anglais qui parlait italien présenta, pour lui et ses camarades, au portier cinq sous de France (un mezzo paolo). Sur quoi le portier les accabla d’imprécations ; car dans ce pays le despotisme est si fort depuis trois cents ans, qu’il a détruit l’aristocratie. Le peuple de Rome n’estime un homme que d’après sa dépense actuelle. Il n’y a d’exception que pour les familles Borghese, Chigi, Gabrielli, Falconieri, Albani et une ou deux autres, que le peuple respecte, parce qu’il admire leurs palais.

La seconde anecdote que j’ai à vous conter s’est passée sur la place d’Espagne. Un jeune Anglais donne à un armurier célèbre un fusil de chasse à raccommoder ; on le lui rapporte au bout de huit jours ; le garçon demande deux écus (11 francs). Le jeune Anglais l’envoie promener, dit que c’est trop cher, se met en colère. Le garçon de l’armurier lui rend le fusil, mais retient la baguette, disant avec le sang-froid parfait du peuple à Rome, sang-froid qui dure jusqu’au moment où éclate la colère la plus enragée : « J’ai ordre de mon maître de recevoir deux écus ; j’emporte la baguette du fusil ; passez à