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trop peu apprécié, a peint les mœurs des Français sous Louis XVI. La pièce que je vis dans cette circonstance avait pour titre : Fera-t-on ou non un Secrétaire d’État ?

Un des personnages de cette pièce n’est rien moins que le pape lui-même, qui sent toute l’incapacité de son secrétaire d’État, vieux cardinal de quatre-vingt-deux ans, autrefois fort habile et fort adroit à manier les affaires, mais devenu presque incapable depuis qu’il a perdu totalement la mémoire. La scène dans laquelle ce cardinal sans mémoire est représenté parlant à trois personnes, un curé, un bouvier et le frère d’un carbonaro, qui lui ont présenté chacun différentes pétitions mais qu’il confond perpétuellement dans ses réponses, est délicieuse. Le cardinal, qui s’aperçoit de son erreur, résiste bravement à son infirmité, et prétend se rappeler parfaitement les pétitions, ce qu’il prouve en disant au bouvier que son frère a conspiré contre l’État, et qu’il est justement soumis à la sévérité des lois, tandis qu’il cherche à convaincre le malheureux frère du carbonaro de l’inconvénient de laisser entrer sur le territoire romain deux cents bêtes à cornes du royaume de Naples. En entendant ces plaisantes absurdités débitées par un petit personnage de douze pouces,