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J’oserais presque affirmer que, dans ce moment, personne au théâtre ne croit voir marcher sur les planches un morceau de bois travaillé. La fille du peintre arrive et Cassandrino qui n’a pas encore osé, à cause de son âge, lui faire une déclaration positive de ses sentiments, lui demande la permission de chanter une cavatine qu’il a tout nouvellement entendue à un concert. Cette cavatine, un des airs les plus délicieux de Paesiello, fut chantée de la manière la plus ravissante. On l’applaudit avec enthousiasme, mais l’illusion fut un moment détruite par les cris des spectateurs : Brava la Ciabalina ! C’était le nom de la chanteuse placée derrière le théâtre ; elle est fille d’un savetier, et elle a une voix superbe : on lui donne une couronne pour chanter cet air chaque soirée. Dans les paroles de la cavatine le tendre Cassandrino place une déclaration de sa passion ; la jeune fille lui répond par quelques compliments sur l’élégance de sa mise, dont le vieux cavalier est enchanté, et aussitôt commence l’énumération louangeuse des divers articles de sa toilette. Le drap de son habit est de France ; celui de ses pantalons, d’Angleterre. Il parle ensuite de sa superbe montre à répétition faite à Genève, qu’il tire et fait sonner ; en un mot Cassandrino montre toute la gloriole et toute la