Page:Stendhal - Pages d’Italie.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ne pas faire une mauvaise figure dans le monde, mais qui s’intéresse aux malheurs d’Hercule ? Et toutes leurs pensées sont tournées vers le moment présent et vers le bonheur d’aimer.

Ces pensées m’ont conduit à plus d’une lieue de Recco, au pied de montagnes solitaires. Le soleil venait de se coucher. Je me suis assis tout à fait au bord de la mer. L’écume des vagues venait mourir à mes pieds, et lorsque la vague était un peu plus forte, j’étais mouillé. Un pas de plus, et je n’étais plus. J’étais sur le bord de l’éternité. Insensiblement l’occident est devenu plus sombre, la lune s’est levée, l’âpreté de mes chagrins s’est calmée, et j’ai trouvé deux heures d’un bonheur plus sombre, sans doute, mais peut-être plus occupant, plus absorbant l’âme tout entière, que celui de nos jeunes italiens. Ils ne savaient pas ce que c’est que de passer la vie sans aimer ; mener une vie errante, changer de ville tous les quinze jours, sacrifier toutes les émotions de la jeunesse à ce qui est ou à ce que l’on croit être une noble cause : tout cela est pour eux de la mythologie. Il leur manque d’avoir été malheureux pour sentir le profond bonheur de la situation.

Et puis, me dis-je, si je me suis trompé dans le chemin de la vie… C’est bientôt