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12 décembre 1818

Le Thésée demandé à Canova par M. Melzi va arriver. On le voulait placer sur la jolie place de Saint-Fidèle. C’est un quartier de Milan qui ressemble à Rome. Les palais Beljiojoso, la maison des Omenoni avec ses huit colonnes avançant sur la rue et noircies par le temps, l’immense Palais Marin et plus que tout la charmante église construite par Pellegrini auraient préparé l’âme à l’élévation de Persée et à la profonde attention nécessaire à la sculpture. Mais les poètes ont représenté que Thésée était païen et certainement damné et qu’il ne convenait pas de placer l’image d’un damné devant la porte de Saint-Fidèle. Voilà ce que sont encore les prêtres dans ce pays-ci malgré Joseph II, le courageux Tamburini et un gouvernement infiniment plus libéral à cet égard que celui de France. Qu’on juge du génie du christianisme à Naples et à Florence ! On va reléguer Thésée dans un coin de la mauvaise place du Palazzo Reale dont la plate architecture pleine de prétention n’est faite que pour donner le dégoût de tous les arts. Espérons qu’un jour on démolira la moitié des ailes de ce vilain édifice.