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On me reprochera de tout louer. Hélas ! non ; j’ai un grand malheur à décrire, rien n’est plus petite ville que la grande société de Milan. Il se forme comme une espèce d’aristocratie, des deux cents femmes qui ont une loge à la Scala et de celles qui vont tous les soirs au Cours en voiture ; dans ce cercle, qui est celui de la mode et des plaisirs, tout est connu. Le premier regard qu’une femme donne à la salle, en arrivant dans sa loge, est pour en passer la revue ; et comme depuis la chute du royaume, en 1814, il n’y a plus de nouvelles, si elle remarque la moindre irrégularité, si Monsieur un tel n’est plus vis-à-vis de Monsieur et Madame une telle, elle se tourne vers son amant, qui va au parterre, et de loge en loge, pour savoir cos’é dé neuf, ce qu’il y a de nouveau. Vous n’avez pas d’idée de la facilité avec laquelle on arrive, en une demi-heure, à une information précise. L’amant revient et apprend à son amie pourquoi Monsieur un tel n’est pas à son poste. Pendant ce temps-là, elle a remarqué que Del Canto, un officier de ses amis, est depuis trois jours assis au parterre, toujours à la même place. — Et ne savez-vous pas, lui dit-on, qu’il lorgne la comtesse Conti ?

Je m’imagine que cet affreux caquetage, ce pettegolismo, qui fait aussi le malheur