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C’est que la vanité fait les cinq sixièmes de l’amour chez un Français. Ici, c’est tout autre chose : l’amour est bien l’amour, et quoiqu’il soit plus enchanteur, il ne demande point le sacrifice de toute votre vie, de toutes vos occupations, de toute l’empreinte qui, au fond, vous distingue des autres hommes. Ici, c’est la maîtresse qui prend le ton de l’homme qu’elle aime. La maîtresse de Canova est artiste, et celle de Spallanzani l’aidait dans ses expériences de physique. Parmi les jeunes gens, excepté deux ou trois sots cités, personne ne songe à être mieux mis qu’un autre : il faut être comme tout le monde. Trois ou quatre hommes à bonnes fortunes m’ont paru généralement détestés des femmes ; les plus jolies ne voudraient pas les recevoir, mais s’ils savent leur métier et qu’ils les trouvent, par hasard, dans une maison de campagne, ils peuvent les rendre folles en une soirée ; c’est ce dont j’ai été témoin et presque confident.

« Qu’avez-vous donc ? disais-je à une jolie femme. » — « Je suis blessée au cœur, me dit-elle franchement, ce mauvais sujet me plaît. » La nuit, elle réveilla son mari, fit appeler son amant : « Emmenez-moi, lui dit-elle, ou je ferai quelque folie. » Il ne se le fit pas répéter, et dix minutes après, ils étaient sur la route de Venise.