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d’écrire de telles choses. D’ailleurs il est trop heureux et trop gai[1].

Il n’y a point de honte en Italie à faire ce qui est raisonnable. Les tristes vicissitudes des trois pieds du despotisme espagnol lui ont appris à étouffer les répugnances. Ça n’empêche pas que je n’aie le cœur brisé. Je viens de trouver chez une de mes amies de l’année dernière une nouvelle femme de chambre qui m’a intéressé par sa beauté. On m’a répondu froidement : « C’est la femme d’un capitaine du train de l’artillerie. — Oh ! Dieu ! son mari est mort sans doute. — Pas du tout. Il vient la prendre tous les soirs pour promener avec elle et sa petite fille. — Et lui, que fait-il ? — Il fait des embauchoirs de bottes qu’il ne trouve pas à vendre. »

En France, il me semble qu’on se tue plutôt que de tomber à ce degré de malheur. Et que deviendrait la petite fille si ces deux malheureux se tuaient ? Voilà notre faux point d’honneur monarchique qui, au reste, disparaît tous les jours.

  1. Beyle avait ajouté cette phrase qu’il a ensuite biffée : « Il faut des hommes de mélancolie sombre pour être à la hauteur de ce sujet. »