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Les lettres de Beccaria sont curieuses et aimables. Il y raconte comme quoi il fut obscur exprès. J’ai toujours sous les yeux l’exemple récent de Gianone, et ceux de Galilée et de Machiavel.

Beccaria fut le premier Italien qui appela le jury dans chaque procès criminel sous le nom d’assesseurs donnés aux juges par le sort.

Beccaria, respecté de l’Europe entière, vit les bigots du pays se réunir pour le perdre. Un moine nommé Fachinei et digne de son nom aurait bien voulu le faire mettre en prison. Le comte Firmian au lieu de seconder ce digne prêtre créa une chaire d’économie publique pour le jeune philosophe. Mais il adorait sa femme, il ne voulut pas troubler son repos et il brisa cette plume qui promettait tant de gloire à sa patrie. Il avait osé dire que l’esprit de famille est toujours en opposition avec l’utilité publique. Il connaissait bien son pays celui qui a souhaité qu’une jeunesse vigoureuse fût affranchie de la souveraineté des chefs de famille et livrée à elle-même sur le théâtre politique. Il osait dire que la morale, la politique, les beaux arts dérivent tous d’une science unique : la connaissance de l’homme. Une chose curieuse et qui marque bien la connaissance des temps, c’est une lettre que le comte de