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MOLIÈRE

au moment où elle se défend le mieux qu’elle peut d’aimer la littérature, un sot de la Cour, enchanté d’avoir quelque chose à dire, et de se voir écouté une seule fois dans sa vie, vient lire à ces dames un manuscrit qu’on lui a, dit-il, prêté pour quatre heures seulement et qui fait un bruit du diable à Paris d’où il arrive ; ce manuscrit est de Mme  de Necker et propre par son sujet à lui aliéner de plus en plus les femmes de la Cour : désappointement, donc ridicule possible. Mais, si réellement savante, pour le plaisir de l’être, elle eût composé son ouvrage pour le plaisir de le composer, et qu’elle ne fût pas ambitieuse, que pourrait-on lui dire ? tel est mon bon plaisir, répondrait-elle.

4o La prude ressemble assez à un ingénieur, mais non pas des Ponts et Chaussées, à un Ingénieur militaire qui travaille jour et nuit à des fortifications, qui oublie de dîner et qui se croit très important ; il est ridicule, si on lui montre clairement que personne ne songe à attaquer sa place, qu’il peut dîner au long et tranquillement, et que ne rendant aucun service à ses concitoyens, aucun d’eux ne pense à lui. La prude évitant avec beaucoup de soin un tête-à-tête avec un homme qui, enfin, la surprend au bout du jardin, et c’est pour lui demander le secret sur une intrigue qu’il