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MOLIÈRE

Il est important pour le bonheur, que les femmes des maris qui ont vingt-mille livres de rente règlent les comptes de l’administration intérieure. Cette dépense étant journalière et nécessairement composée de petits articles, la direction en est importante. D’ailleurs il faut pour le bonheur d’une femme qu’elle ait un travail sérieux pour servir d’ombre aux plaisirs, sans quoi l’ennui de la société la saisirait.

Mais aussi, il est évident que deux heures par jour suffisent pour l’administration intérieure, en supposant un cuisinier intelligent qui sache écrire. Ne vaut-il pas mieux pour le bonheur du mari, de la femme et des enfants que passé ces deux heures, elle emploie son temps à lire les douze ou quinze grands poètes, les bons historiens, et les bons romanciers qu’à faire une paire de bas qu’on peut acheter aussi bons pour 6 francs, ou qu’à faire de la tapisserie ? Elle aura moins de disposition à vous faire cocu en faisant des bas ; mais quel plaisir d’avoir une bête ?

La femme du laboureur, de l’artisan, du petit bourgeois doit travailler utilement, mais à partir de 12 ou 15.000 livres de rente, et en province de 6.000, ne vaut-il pas mieux qu’elle acquière des idées et qu’elle devienne capable de donner des