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LE RIRE

jamais, l’âme quitte avec plaisir la tristesse, même la plus naturelle, pour revenir au rire. 1o C’est que souvent la tristesse n’est que de la sympathie, et que l’estime de soi-même est un intérêt direct ; 2o je crois que l’âme se lasse facilement de la tristesse.

Le rire vient-il de l’estime de nous-même ou de la vanité ? La vanité n’est-elle pas l’appréciation exagérée de nos avantages, comme si je me croyais l’homme le plus gros de France ?

L’estime exagérée de nos avantages nous sollicite à faire beaucoup de comparaisons impossibles à qui ne s’exagérerait rien. Ainsi, un sot, M. d’Estourmel chante ; s’il se connaissait, il se tairait à jamais. Tirant vanité, au contraire, de son chant, ayant la prétention du chant, il rit des mille désappointements que peuvent rencontrer les chanteurs.


XI

chapitre de l’à-propos


Si le conteur rit en faisant son conte, un Français dit : « Il est bien content de me faire rire, il compte là-dessus ; ma vanité va désappointer la sienne, je ne rirai pas. »