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SHAKSPEARE

La tragédie de Shakspeare intitulée : La vie et la mort du roi Jean, est de l’histoire dialoguée qui doit plaire beaucoup au peuple à qui elle retrace ses Annales, et ne plaire que comme histoire aux autres peuples.

J’y trouve de digne du génie tragique de Shakspeare le désespoir de Constance après que son fils Arthur a été pris par Jean et le dialogue de ce fils Arthur avec Hubert chargé par le roi Jean de lui brûler les yeux[1].

Il y a dans cette pièce un trait semblable à celui d’Hermione à Oreste : « Qui te l’a dit ? »

Tout le dénouement d’Adélaïde du Guesclin et d’une manière plus probable.

*

Les personnages de Shakspeare[2] ont peut-être un défaut qui est très brillant, mais qui n’en est pas moins un défaut : ils sont trop éloquents.

De cette éloquence poétique qui parle à l’âme en exerçant le moins possible la

  1. La scène où le roi engage Hubert à le défaire d’Arthur, la manière dont il le reçoit lorsqu’il vient lui annoncer son crime.
  2. Fragment écrit par Stendhal le 6 thermidor XII (25 juillet 1804). Se trouve dans R. 5896, dossier supplémentaire. N. D. L. É.