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caractère espagnol qui commence à poindre. L’Espagnol n’a aucune petitesse bourgeoise il dédaigne de mentir dans les petites affaires de la vie ; mais il s’en dédommage largement, ce me semble, dans ses récits de bataille. La Verdad, journal de Madrid, que j’ai lu à Béziers, donne le relevé des rapports officiels des deux partis. Depuis trois ans que don Carlos et les christinos se font la guerre, il y a eu dix-sept grandes batailles, cent cinquante-trois mille hommes ont expiré sur le champ de bataille, neuf cent quarante pièces de canon ont été prises, etc., etc. De plus, ces gens si fiers autrefois demandent sans cesse à la France la charité d’une armée.

Quoi qu’il en soit, j’estime fort, et, qui plus est, j’aime la vie privée de l’Espagnol. Ainsi que le Napolitain, il trouve que c’est une moindre peine de porter un habit troué aux coudes que de travailler quinze heures par jour, comme un Anglais, pour se procurer de quoi en acheter un neuf. J’avouerai que je suis de son avis. J’estime encore beaucoup le silence espagnol. Enfin j’adore certaines scènes de leurs anciens poëtes.