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bois sous la forme de fer, et réunir des millions. Laissez entrer les fers suédois et anglais, et chaque Français qui emploie le fer dépensera deux francs de moins par an ; bien plus, on pourra songer à d’immenses et magnifiques entreprises impossibles aujourd’hui.

Mais en cas de guerre avec l’Angleterre, que ferions-nous ?

On ne peut guère parler que de vin de Champagne et de la dernière comédie de M. Scribe à ces riches propriétaires, qui ont tant d’intérêt à ne pas entamer des sujets raisonnables ; mais j’ai passé deux heures aujourd’hui avec un contre-maître chargé de la vente, et qui répondait avec beaucoup de sens à toutes mes questions. Comme nous devisions, sont arrivés deux acheteurs, l’un de Troyes, en Champagne, et l’autre de Lamure, en Dauphiné. Le contre-maître a fait ses affaires, et moi j’écoutais. J’aime beaucoup ce rôle ; j’adore de n’être pas obligé de parler.

Il n’y a peut-être pas de contraste plus marqué en France que celui du bon habitant de Troyes et du Dauphinois. Le Troyen, après avoir salué, dit tout de suite pourquoi il vient, traite son affaire avec une candeur exemplaire, et quand on lui fait des objections, il a l’air malheureux et ne dit mot.