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LA LOIRE

Un monsieur d’un certain âge, mis avec beaucoup de recherche, et que j’ai su plus tard être un préfet destitué, m’a demandé de lui prêter un des volumes du roman sérieux intitulé : Histoire de la guerre de la Vendée, par Beauchamp. Bientôt il me l’a rendu. « Cela est intolérable, m’a-t-il dit, pour un homme du pays qui sait la vérité. » Nous nous sommes mis à causer, je ne demandais pas mieux. Ce préfet, homme d’esprit, qui s’ennuyait comme moi, m’a conté fort en détail tout ce qui s’est passé dans les environs de la Loire à l’occasion de la courageuse entreprise de madame la duchesse de Berry. Quoique tous deux du parti populaire, nous admirons le courage d’une jeune femme, d’autant plus singulier, qu’elle avait reçu la plate éducation des cours. Si le comte d’Artois en eût fait autant en 1794, nous n’aurions pas ce Code civil qui prohibe les grandes fortunes héréditaires, sans lesquelles point de monarchie pure.

Il parait que mon nouvel ami a vu Naples, il me conte des anecdotes trop bouffonnes pour être répétées ici[1]. C’est bien pour le coup que l’on dirait que je suis un jacobin. Le cardinal Ruffo encourageait

  1. On plaisante un jeune abbé de douze ans qui passe dans la rue à Naples. — Monsignor, dove ha cellebrato questa matina ? — A capella di sora ta.