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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

de Paris, lui a procuré un passe-port pour l’Espagne et l’Amérique, et c’est sous un faux nom, qui n’est pas même celui de cette cousine, que cette femme si douce et si bonne est allée se réfugier dans l’un de ces deux pays. Le vieux Bray, son agent, l’homme le plus sec, avait les larmes aux yeux en comptant les 220 francs et me donnant des détails. Le grand Mass… est dans une ville à dix lieues de celle où vivait madame Saint-Chély, et fait florès avec son habit de drap de Louviers.

J’envie l’être heureux qui consolera madame Saint-Chély. Elle n’aurait peut-être jamais eu d’amant sans le guet-apens de M. Mass… ; mais ce qu’il y a de cruel dans cette aventure donnera des forces à l’imagination, qui finira par l’emporter sur la raison. L’amour seul peut la consoler. Madame Saint-Chély avait toute la délicatesse qu’une grande fortune permet d’atteindre, et aucune des petitesses d’amour-propre et de despotisme auxquelles elle conduit trop souvent.

Vous savez que c’est dans les petites villes qu’il faut aller étudier les gouvernements ; là tout se sait, et surtout tout se vérifie. L’exemple qui suit est sérieux, et, je le crains bien, un peu ennuyeux ; je prie les dames de sauter cinq ou six pages. Les voleries difficiles à raconter survivront