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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

étroite : cette maison charmante date de 1443.

Au milieu de cette délicatesse noble du quinzième siècle, éclate toute la grossièreté du nôtre. On m’a conduit à la salle d’audience de la cour d’assises. Je m’attendais à quelque chose de semblable à la salle de Lancastre (Angleterre) ; j’ai trouvé un grand vilain salon carré, tapissé d’un papier gros bleu avec bordure tricolore ; sur les enroulements de cette bordure, on lit à tout moment : 27, 28 et 29 juillet. Hélas ! le conseil général n’a pas voulu donner d’argent pour faire mieux, et les ministres des finances qui font fortune, de nos jours, ne songent qu’à la bien cacher, et ne bâtissent plus de palais.

Mon jeune guide m’a conduit à la maison des Enfants bleus. récemment achetée par la ville pour y placer les religieuses de la Doctrine chrétienne. Cette maison est plus jolie encore que celle de Jacques Cœur ; c’est un charmant petit chef-d’œuvre, c’est l’architecture de la renaissance dans toute sa grâce. Jamais je ne me serais pardonné d’avoir quitté Bourges sans la voir, ou plutôt je n’aurais jamais cru les récits qu’on m’en aurait faits. C’est le beau idéal de la chevalerie.

Il y a surtout un escalier tournant, au coin de la petite cour, que je n’oublie-