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vail de huit heures dans un bureau étouffé, je songeais à autre chose qu’à obtenir un regard des femmes aimables que le hasard me faisait rencontrer. Mais je ne leur en veux point : ces messieurs avaient tout l’esprit de leur gouvernement.

J’arrivai donc dans cette colonie avec un brevet d’homme dangereux. Ce qui me frappa le plus, c’est qu’on me réveillait le matin pour prendre du café.

Afin de me venger du gouvernement qui m’exilait, j’appris l’anglais, et je me mis à étudier le libéralisme.

Je serais encore dans ce pays, qui avait fini par me plaire, et où j’ai béni vingt fois le directeur à ailes de pigeon qui m’y avait exilé. Souvent je commandais un petit bâtiment de la douane, et j’allais d’une île à l’autre. J’étais lié avec des capitaines marchands qui, dans ces climats chauds, mènent joyeuse vie ; j’avais même l’honneur de prendre du punch quelquefois avec des officiers de la marine royale ; mais je commettais des imprudences, non pas politiques, mais bien autrement graves. Un jour que je travaillais au soleil, je fus saisi d’une inflammation si vive, que mon directeur, bon homme qui n’avait qu’une seule idée au monde, la peur de se compromettre, me renvoya pourtant en Europe par humanité, et sans attendre la