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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

su comme l’Espagne qui n’a point de capitale, etc? J’étais écouté par la haine frémissante. Alors je me suis donné le plaisir de désoler l’envie. — Mais, connaissez-vous Paris, messieurs ? En 1800, après un dénombrement qui ne donnait que quatre cent soixante mille habitants, le premier consul dit : La capitale de la France doit avoir cinq cent mille âmes ; et l’on imprima partout cinq cent mille. En 1837, on a compté réellement neuf cent vingt mille habitants, indépendamment des faubourgs, comme Vaugirard, les Batignolles, etc., qui, de tous les côtés, touchent à Paris. Vingt personnes riches de mon département sont venues se réfugier à Paris. C’est qu’à Paris il y a moins de haine et d’envie que dans les provinces ; quelque bonne disposition que l’on ait, on ne peut pas haïr un inconnu.

Ce dîner était excellent, mais ennuyeux ; nouveaux riches, fort riches. Un seigneur de fraîche date, fort bel homme, tout garni de chaînes d’or, tout fier d’un ruban dont la rosette date de deux jours, a trouvé bon d’accaparer la parole ; il semblait réciter une leçon apprise par cœur.

Notre révolution de 1830, s’écriait-il, avait une mission sublime, elle l’a bien remplie. Honorons, bénissons la mémoire des hommes dont le génie et la vertu ont