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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

Les dons qu’obtint le clergé furent énormes : un chef barbare donnait des milliers d’arpents au couvent voisin pour obtenir une petite place dans le ciel. Si le lecteur est en France, il peut se dire que la place sur laquelle il se trouve en lisant ceci a été donnée trois fois à l’Église. Comme on voit, dans les moments de fureur ou de nécessité, les barbares reprenaient ce que leurs femmes ou eux avaient donné lorsqu’ils voyaient de près l’enfer les menaçant de ses supplices.

« Tout ce que tu auras chevauché sur ton petit âne, dit Dagobert à saint Florent, pendant que je me baignerai et que je mettrai mes habits, tu l’auras en propre. Saint Florent monta en toute hâte sur son âne, et trotta par monts et par vaux, plus rapidement que ne l’aurait fait à cheval le meilleur cavalier. »

Il est évident, d’après ces grandes circonstances de l’histoire générale, qu’avant l’an 1000 on n’a pu élever en France que des édifices misérables.

À Rome même, la décadence avait été d’une si étonnante rapidité, que, dès l’an 300, les architectes qui construisirent l’arc de triomphe de Constantin (que l’on voit encore aujourd’hui près du Colisée) ne trouvèrent rien de mieux que de voler les bas-reliefs et les colonnes de l’arc de