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MÉMOIRES D’UN TOURISTE

que tous ses sujets apprendraient à lire. (Les princes, dans ce temps-là, n’avaient pas peur de l’esprit ; la force de leur peuple était la leur.) Il fit mieux que d’ordonner, au milieu de tant de guerres se renouvelant sans cesse, il tint la main à l’exécution de son décret.

Cette volonté ferme porta ses fruits, même pendant les règnes de son faible fils, Louis le Débonnaire, et de Charles le Chauve. Mais, sous des rois dépourvus de la faculté de vouloir, et au milieu du désordre croissant, l’action du grand homme couché dans sa tombe s’éteignait peu à peu. Elle cessa tout à fait avec le neuvième siècle, et, au dixième, la France arriva à la barbarie la plus complète. L’état des sauvages les moins avancés, tels qu’on les trouvait encore il y a vingt ans dans l’Amérique du Nord[1], est bien préférable ; chez eux, du moins, l’hypocrisie et la trahison sont punies. Au dixième siècle, on les voit récompensées par les places les plus avantageuses de la société.

Le malheur et le désordre général arrivèrent à ce point que la société nuisait plus aux hommes qu’elle ne leur servait. Quelques sages esprits retirés dans les cloîtres s’aperçurent de cet abus.

  1. Voyage du capitaine Bonneville, par Washington Irving.