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Rhône, c’est l’insignifiance moderne et l’hiver.

Entraîné par ma phrase, j’oubliais de dire qu’on appelle brêche, à Lyon, une petite barque couverte d’un cerceau et d’une toile, et menée à deux rames par une jeune fille, dont la grâce, l’élégance de propreté et la force presque virile rappellent les fraîches batelières des lacs de la Suisse. On va [se] promener sur la Saône vers l’île Barbe.

Les jours de dimanche et de fête surtout, toutes ces batelières sont assises sur le parapet du quai, rangées en ordre d’arrivée ; mais les plus jolies savent bien qu’elles seront choisies les premières par les étrangers. Elles leur adressent hardiment la parole, vantent l’agrément du voyage, décrivent les sites enchanteurs où elles vont vous conduire.

Les eaux de la Saône ont si peu de pente, que souvent il est difficile de deviner le sens dans lequel elles cheminent, et les forces d’une jeune fille suffisent de reste pour conduire une brêche. Il faut choisir deux batelières, les payer un peu plus que d’usage, et établir une sorte de rivalité entre elles.

Ce soir, obligé par les intérêts de la faillite a laquelle je demande 35,000 francs, d’aller dans la société de Bellecour, j’ai