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je n’appréciais pas assez. Je l’avais jugé sur l’ensemble de son existence, bien vulgaire il est vrai. Paul Brémont a un père en Hollande, je crois, lequel est énormément riche, et paye ses dettes de temps à autre. Ce père lui donne dix mille francs par an, et une tante, plus riche que son père, et qui adore ce neveu, l’a accoutumé à des cadeaux tournés en habitude, qui s’élèvent bien annuellement à vingt-cinq mille francs. Outre tout cela Paul fait pour dix mille écus de dettes chaque année.

— Vous verrez Pétrone, m’a-t-il dit ce matin, en m’engageant à souper ; et nous aurons des femmes agréables, et que nous n’avons pas eu peu de peine à dénicher, je vous jure : les maris mêmes ne sont point trop ennuyeux.

— Et qu’est-ce que Pétrone ?

— Vous verrez ; c’est un ami que j’ai depuis quelque mois.

En effet j’ai vu Pétrone : c’est bien l’homme le plus commode du monde, c’est l’idéal du valet de chambre. Il se fait appeler le chevalier de Saint-Vernange, nom qu’il a pris sans doute dans quelque vaudeville. Saint-Vernange a trente ans ; c’est le plus bel homme qu’on puisse voir ; il a accroché la croix dans la garde nationale, je pense ; du reste, il est brave,