toujours beaucoup de prétentions, et il faut avouer qu’elle avait une maison charmante : presque tous les jours de la musique, des dîners, des soupers, des parties sur l’eau. On ne peut lui refuser beaucoup d’entrain, et de cette sorte de gaieté qui n’est pas bien noble, mais qui se communique : de plus, madame Saint-Molaret n’a jamais d’humeur, et l’on peut dire qu’elle serait fort aimable si elle ne songeait pas toujours à être aimée.
Mais être aimée ! même, sans parler de l’âge, une femme qui a soixante mille livres de rente ! cela se voit-il de nos jours ? Le pauvre René n’eut pas le courage de résister à cette vie joyeuse et toute de fêtes, lui qui n’avait pour unique fortune qu’une chétive pension de douze cents francs mal payée par son père, et une place de commis dans une maison de commerce.
Il régnait donc sur le cœur de madame Saint-Molaret, lorsque cette vénérable douairière eut l’imprudence de céder aux vœux de son gros mari, et prit chez elle mademoiselle Hortense Sessins. C’est la nièce du bonhomme, belle comme le jour ; elle a des yeux noirs, incroyables d’expression noble, mais si pauvre que, malgré ses vingt ans et sa rare beauté, elle ne trouvait point de mari. L’oncle avare