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lières, fort agréables. Elles me rappellent les plus jolies collines d’Italie, celles de Desenzano, immortalisées par la bataille que Napoléon osa y livrer au maréchal Wurmser contre l’avis de tous les généraux savants de son armée. Sur ces collines de la Saône, les canuts de Lyon ont bâti des maisons de plaisance, ridicules comme les idées qu’ils ont de la beauté. Dans tous les genres ils en sont restés au grand goût du siècle de Louis XV ; mais la beauté naturelle du pays l’emporte sur tous les pavillons chinois dont on a prétendu l’embellir. Ce sont de jolis rochers couverts d’arbres qui, précipités pour ainsi dire dans le cours de la Saône, la forcent à des détours rapides.

Un négociant d’une belle figure sans expression, emphatique et chaud patriote, embarqué avec nous, nommait avec complaisance les maisons de campagne devant lesquelles nous passions : la Sauvagère, la Mignonne, la Jolivette, la Tour de la belle Allemande (il conte l’anecdote, aujourd’hui si vulgaire : Suicide par amour), la petite Claire, la Paisible, etc., etc.

C’est je pense, dans les environs de ce pays-ci, qui probablement s’appelle Neuville, que la femme que je respecte le plus au monde avait un petit domaine. Elle comptait y passer tranquillement