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son enthousiasme, mon correspondant de Beaune m’a promis de me faire boire une bouteille de vin du Clos-Vougeot provenant encore de l’abbaye de Cîteaux. Mais comment croire à cette vénérable antiquité, si après douze ou quinze ans ce vin commence à perdre ?

Du temps des moines, fins connaisseurs et qui ne vendaient pas, le clos produisait moins et le vin valait mieux ; mais de nos jours comment résister à la tentation de fumer un peu une vigne dont chaque bouteille se vend quinze francs ? Il est bien exact qu’on donne aux vendangeurs d’excellents dîners et surtout des mets auxquels ils ne sont pas accoutumés, afin de leur ôter l’idée de manger du raisin.

Les vins de Nuits sont devenus célèbres depuis la maladie de Louis XIV, en 1680 ; les médecins ordonnèrent au roi le vieux vin de Nuits pour rétablir ses forces. Cette ordonnance de Fagon a créé la petite ville de Nuits.

J’apprends que, exactement parlant, la Côte-d’Or finit à Vosnes. Les aimables vins de ce pays ont un mérite nouveau depuis 1830 : à table, les Bourguignons ne parlent que de leurs mérites comparatifs, de leurs défauts et de leurs qualités, et l’ennuyeuse politique, si impolie en province, est tout à fait laissée de côté.