Page:Stendhal - Mémoires d’un touriste, I, 1929, éd. Martineau.djvu/163

Cette page n’a pas encore été corrigée



Département de la Haute-Marne, le 6 mai.

Il y a des hommes qui aiment à méditer sur les conclusions morales qu’ils ont tirées d’un fait, mais ils ont le malheur de ne garder aucun souvenir des chiffres, ni des noms propres.

Ces gens-là sont sujets à être arrêtés tout court au milieu d’une discussion animée par un sot qui sait une date. Mais l’on peut avoir une montre à cadran d’émail, et écrire sur ce cadran quelques chiffres nécessaires et surtout faciles à consulter.

Dans un salon peuplé de gens fort distingués, l’on prenait plaisir, hier soir, à me dire beaucoup de mal du gouvernement du roi, sous le rapport économique.

J’ai répondu d’un ton d’oracle :

« Le commerce général de France, c’est-à-dire la valeur de ce qui est sorti de France et de ce qui y est entré, en 1836, s’élève à 1.866 millions. En 1828, 1216 millions seulement. Différence en faveur du règne de Louis-Philippe, 650 millions.

« Paris a exporté, en 1836, 134 millions ; en 1828, 67 millions seulement ; et pourtant c’est à Paris qu’ont eu lieu les émeutes.

« En 1836, la France agricole a exporté pour 70 millions de vins. La France a