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pour moi ; j’aime à faire des visites en chapeau de paille et en veste de nankin.

En ma qualité de commis marchand, je courais chaque année la France, l’Allemagne ou l’Italie ; mais je travaillais en conscience à ma partie, je n’osais presque lever les yeux. Cette année, tout en faisant mes affaires, je me suis permis de doubler mes séjours à Lyon, Genève, Marseille, Bordeaux, et j’ai regardé autour de moi.

La France est certainement le pays de la terre où votre voisin vous fait le moins de mal ; ce voisin ne vous demande qu’une chose, c’est de lui témoigner que vous le regardez comme le premier homme du monde. Il est plus ou moins bien élevé ; mais s’il appartient à la bonne compagnie, il est toujours le même : et je voudrais un peu d’imprévu.

Pendant les douze années que je fus marchand, je n’ai voyagé que par la malle-poste. Trois jours de Paris à Marseille ! c’est beau ; mais aussi l’homme est réduit à l’état animal : on mange du pâté ou l’on dort la moitié de la journée. Je n’eus jamais le temps de m’enquérir, ou, pour mieux dire, de chercher à deviner comment les gens chez lesquels je passais avaient coutume de s’y prendre pour courir après le bonheur. C’est pourtant là