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ŒUVRES DE STENDHAL.

drait voir recommencer, en 1837, le siècle qui commença en avec Carnot et Dumouriez.

C’est un torrent qui s’est précipité de la montagne dans la plaine, par une cascade admirable ; à une demi-lieue de là, il voudrait encore avoir une cascade qui le fît de nouveau l’admiration du monde. Mais c’est précisément parce qu’il a atteint cette plaine, d’un niveau si inférieur à la montagne sur laquelle il coulait, qu’une nouvelle cascade est devenue impossible.

C’est ainsi que nous parlions chez madame R… Minuit et demi ont sonné, et elle nous a chassés.


— Béziers, le 13 septembre 1837.

En parcourant ces petites rues étroites et sombres de Béziers, je me suis rappelé le sac de cette ville, et le propos du chef catholique : Tuez toujours, Dieu reconnaîtra les siens. Nous ne sommes pas si loin de ce temps-là, n’avons-nous pas le mot contemporain, à propos des sacrilèges : Il faut les renvoyer devant leur juge naturel ! Et cet autre mot, presque aussi célèbre : Pour gouverner un département, il ne faut que sept hommes (l’un desquels est le bourreau) !

Rien n’est atroce, du moins pour moi, comme les barbaries ordonnées sans colère et pour faire un exemple. J’ai entendu jadis, dans un salon célèbre, un général à la mode, témoin de la mort de Riégo, raconter cette mort en détail et se moquer longuement des cris perçants poussés par Riégo. (On vient de me raconter à Montpellier qu’il avait été empoisonné avec de l’opium et ne pouvait parler).

Telle est l’influence de l’architecture ; je n’aurais pas eu ces idées sombres si les rues de Béziers respiraient la civilisation, comme celles de Saint-Lô, par exemple.

En arrivant à Béziers, il faut demander la terrasse de la cathédrale, vue superbe sur les neuf écluses du canal de Languedoc. On voulait me conduire à la voûte de Malpas, mais je n’ai pas de temps. On me fait voir au coin d’une rue une statue in-