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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

savez que les gens de cette race sont naturellement vifs, impétueux, peu réfléchis. Eh bien ! ici, ils ont acquis une gravité et une ténacité que l’on chercherait en vain dans d’autres contrées de la France.

Le breton, cette langue curieuse, si différente du latin et de ses dérivés, l’italien, le portugais, l’espagnol et le français, nous fournit, comme on sait, une preuve de la transmigration des peuples. Le breton est une modification de la langue parlée par les habitants de la principauté de Galles en Angleterre, et que ceux-ci appellent le Kimri.

Si le lecteur s’occupe jamais de l’ouvrage de M. Guillaume de Humboldt sur les antiquités bretonnes, je l’engage à se rappeler que des conjectures non prouvées ne sont que des conjectures.

Voir toutes les billevesées dont pendant quelques années M. Niebhur a offusqué l’histoire des commencements de Rome. La gloire des grands hommes allemands n’ayant guère que dix années de vie, on m’assure que M. Niebhur est remplacé depuis peu par un autre génie dont j’ai oublié le nom.

Il y a beaucoup de sorciers en Bretagne, du moins c’est ce que je devrais croire d’après le témoignage à peu près universel.

Un homme riche me disait hier avec un fonds d’aigreur mal dissimulée : « Pourquoi est-ce qu’il y aurait plus de magiciens en Bretagne que partout ailleurs ? Qui est-ce qui croit maintenant à ces choses-là ? » J’aurais pu lui répondre : « Vous, tout le premier. » On peut supposer que beaucoup de Bretons, dont le père n’avait pas mille francs de rente à l’époque de leur naissance, croient un peu à la sorcellerie. La raison en est que ces messieurs qui vendent des terres dans un pays inconnu ne sont pas fâchés qu’on s’exerce à croire : la terreur rend les peuples dociles.

Voici un procès authentique. On écrit de Quimper le 26 janvier :


« Yves Pennec, enfant de l’Armorique, est venu s’asseoir hier sur le banc de la cour d’assises. Il a dix-huit ans ; ses traits irré-

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