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ŒUVRES DE STENDHAL.

personnages sont aussi faux au fond que ceux de cet aimable Métastase, dont il disait tant de mal. Mais voici la différence : toutes les fois qu’on rencontre un volume de Métastase, on l’ouvre avec plaisir.

Métastase fit les plus grandes folies, non par haine, mais par amour, et peint cette passion avec une vérité et une grâce charmantes. Chez Métastase, comme dans la musique, un tyran cruel n’est qu’un homme qui ne peut pas aimer ; au contraire, les tyrans d’Alfieri sont excellents. Voyez Philippe II ; mais ses princesses sont des pédantes insupportables. Au total, sa poésie manque de relief et de vie, ses pièces sont un peu des tragédies de collège ; on sent que l’auteur n’a jamais commandé une compagnie, ni administré une sous-préfecture.

Alfieri a évité quelques-uns des ridicules de Racine, qui, ayant à peindre, comme il le dit lui-même, cette amitié si célèbre dans l’antiquité, d’Oreste et de Pylade, nous montre Oreste tutoyant Pylade, tandis que Pylade lui répond vous et seigneur. Le drame barbare de la Porte-Saint-Martin n’a rien de plus baroque lorsqu’il nous montre les courtisans du duc d’Orléans régent s’appelant entre eux Votre Seigneurie, comme des pairs de Louis XVIII. Racine était au niveau de son siècle en faisant parler ainsi Pylade.

M. Fabre savait acheter des tableaux, mais non pas en faire. J’ai vu de lui, à Florence, le portrait d’Alfieri ; cela est bien dessiné, et, du reste, n’a ni relief, ni vérité, ni couleur. On voit en pendant le portrait de madame la comtesse d’Albany. C’est en vain que je cherche un mot, un mot un peu digne ; je suis obligé d’avouer que je ne vois là qu’une cuisinière qui a de jolies mains.

M. Fabre était élève de David, qui a régné dans les arts comme Delille sur la poésie française. Mais, par bonheur, le règne de tels grands hommes ne dure en France que tout juste pendant leur vie. Ni Lesueur, ni le Poussin, ni Claude Lorrain, ne régnèrent. Au reste, David a rendu le service de tuer Vanloo