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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

teur, contre le Mazarin, nous avons été à deux doigts du gouvernement où il n’y a pas de budget exécutoire sans l’approbation d’une assemblée raisonnablement nombreuse, quatre cents membres, par exemple.


— Avignon,..... 1837.

Ce voyage admirable, de soixante lieues, en neuf heures, m’a peut-être fait plus de plaisir la seconde fois que la première. J’ai remarqué quantité de choses nouvelles pour moi. Par exemple, la Tour de Crussol[1], vers Valence, dont les ruines se voient sur la rive droite du Rhône, au milieu d’un rocher qui lui-même tombe en ruine.

Un peu avant Valence, j’ai vu l’embouchure de l’Isère, et beaucoup plus bas, du côté opposé, l’embouchure de l’Ardèche. Près de Lyon, nous avions aperçu de loin les waggons de houille marcher sans chevaux et sans vapeur sur le chemin de fer de Saint-Étienne.

J’avais du temps à moi, je suis allé coucher à l’Isle et revoir Vaucluse. J’ai examiné l’arc de triomphe de Carpentras et ses admirables captifs en bas-reliefs ; mais il faut une âme singulière pour aimer ces choses-là et les sonnets de Pétrarque.


— Aix,..... 1837.

Après avoir revu Notre-Dame-des-Domns et les fresques de Giotto dans le palais des papes, à la nuit tombante, je pars pour Aix. J’admire le pont sur la Durance, laquelle est peut-être le plus vilain torrent et le plus impatientant de France ; avant le pont, il arrêtait quelquefois les voyageurs pendant trois jours. Ce pont, en bois, n’en finit pas ; on passe au-dessus de nombreux délaissés couverts d’arbrisseaux et d’aunes. Quand il pleut du côté d’Embrun et du mont Genèvre, où la Durance

  1. Voir les Lettres écrites d’Italie, en 1739 et 1740, par le président de Brosses, édition de 1836, t. I, p. 8.