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ŒUVRES DE STENDHAL.

Non satis est pulchra esse poemata dulcia sunto.

Qu’est-ce que la musique qui, avant tout, n’est pas un bonheur pour l’oreille ?

C’est cette douceur que n’avait jamais la musique de ce soir, imitée de Weber. Grand Dieu ! rendez-nous Dalayrac. Les Français ne sont décidément ridicules que lorsqu’ils parlent musique. Tout ce que Rousseau a dit il y a quatre-vingts ans était encore exactement vrai ce soir.

Le gouvernement anglais est le seul, en Europe, qui me paraisse valoir la peine d’être étudié. Partout ailleurs, c’est un despote, bonhomme au fond, mais timide et trompé à plaisir, par des nobles ou des généraux, remplis de haine, mais plus ou moins imbéciles.

Pour justifier cette épithète, qui peut sembler dure au premier moment, je dirai que je ne l’applique ici qu’à l’art de gouverner. Voyez le duc de Saint-Simon, l’auteur des Mémoires sur la cour de Louis XIV ; sans doute, il valait cent fois mieux que tous ses successeurs ; c’était un homme d’un grand esprit ; il est pourtant d’avis qu’il faut sans cesse augmenter le pouvoir royal. Or il écrivait vers 1733, juste soixante ans avant 1793. Aujourd’hui il est de toute évidence, même pour l’esprit le moins exercé, qu’en 1733 le pouvoir royal aurait dû créer une Chambre de pairs héréditaires, et la composer des cinq cents nobles les plus riches. Cette Chambre aurait eu pour unique mission celle d’examiner et de voter le budget. À l’instant la révolution de 1789 devenait impossible.

Dans l’état bien plus favorable de liberté où l’ineptie des ministres nous a jetés, ce n’est que dans ce qui arrive en Angleterre que nous pouvons puiser des conjectures sur le sort que l’avenir nous réserve. Je suis donc, je l’avoue, d’une curiosité d’enfant pour tout ce qui arrive dans ce pays si mal connu.

Chose singulière, en 1648, lors des barricades et de la révolte de Paris, dirigée par le célèbre cardinal de Retz, alors coadju-