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ŒUVRES DE STENDHAL.

Les fenêtres, si étroites quand le style roman régnait, occupent maintenant tout le haut de la travée. Les meneaux qui les divisent sont si longs et si minces que, loin de paraître ajouter à la solidité de l’arc qui les surmonte, on serait tenté de croire qu’ils s’appuient sur les vitraux. C’est une galerie ouverte à jour des deux côtés qui règne au-dessus des arcades ; elle remplace cette petite galerie sombre et solide des églises romanes. On ne conçoit pas comment les voûtes de tout l’édifice peuvent être portées par des colonnes si minces et si allongées. Les architectes eux-mêmes ne le concevaient pas. L’architecte de la charmante église de Mantes, lorsqu’il fut question de décintrer l’édifice qu’il venait d’élever, prit la fuite et vint se cacher à Paris. Il ne laissa à Mantes que son neveu, qui devait lui envoyer un cheval pour revenir si son église n’était pas tombée.

Le lecteur sait, depuis longtemps, que l’ogive existe à L’Émissaire du lac d’Albano (près de Rome). On trouve l’ogive en Nubie et en Amérique. Tous les peuples jeunes ont dû passer par là ; cet arc est de tous le plus facile à construire.

Dans l’époque brillante des Orientaux, contemporaine de notre triste moyen âge, ils faisaient un assez fréquent usage de l’ogive. Au château de la Ziza, en Sicile, l’ogive figure dans les fenêtres et dans les portes[1]. En France, au contraire, l’ogive ne paraît d’abord qu’à l’intérieur des édifices, et remarquez bien ceci : on remploie pour la solidité et non pour l’ornement.

Son usage est restreint aux arcades et aux voûtes. Longtemps elle fut affectée à certaines parties intérieures de la construction ; ce n’est que fort tard qu’on s’en servit pour terminer la partie supérieure des portes, et surtout des fenêtres.

Lors du voyage à Vaison[2] nous avons remarqué que la chapelle de Saint-Quinin est du huitième siècle ; l’ancienne cathé-

  1. Hittorff, Voyage en Sicile.
  2. Département de Vaucluse. Voir Mémoires d’un Touriste, t. I, p. 203 et suivantes.