Les radicaux outrés de Genève penchaient un peu vers la France, mais le blocus hermétique (vous en souvient-il encore ?) a mis en colère la majorité, et les radicaux n’ont pas osé se montrer trop différents du reste de la population. L’amour-propre était vivement blessé, et les Genevois ont accusé Berne de faiblesse.
Là-dessus un silence profond a été toute ma réponse…
Ainsi les partis, dans Genève, gardent des projets pour l’avenir[1] (ressource des découragés) ; mais, pour le moment, ils me semblent tout à fait calmés. La Société patriotique, composée de radicaux outrés, qui n’avaient, dit-on, ni assez d’esprit ni assez de science pour se faire écouter, n’a pas trouvé de sympathie dans le peuple et s’est dissoute.
Il y a plusieurs détails sur lesquels on peut blâmer le gouvernement ; mais qui ne sait qu’il n’existe qu’un seul moyen de ne jamais tomber ? c’est de ne point marcher. Et d’ailleurs quelle faute de calcul, troubler l’État pour de petites choses ! Il faut laisser ces folies aux gens à imagination.
— Mais je sais de science certaine qu’il nous exècre et qu’il a des projets affreux !
— Combien comptez-vous vivre l’un et l’autre ? vingt ans apparemment ; que vous font ses projets, s’il ne peut les mettre à exécution d’ici à vingt ans ! Lui ou vous, vous oublierez votre haine. Quelle source de malheur sot, vingt ans de haine impuissante !
Voici ce que je blâme beaucoup à Genève. Les élections viennent de finir le 16 août (1837). L’on a baissé le cens, sur la demande des gens raisonnables. Eh bien, on voit beaucoup moins d’électeurs aller donner leur vote. L’aristocratie avait
- ↑ Ils ont réalisé ces projets en 1846. Une révolution éclata à Genève le 5 octobre. Après un combat très-vif, pendant trois jours consécutifs, entre le peuple et la milice, les radicaux remportèrent la victoire la plus complète et s’emparèrent du gouvernement. Cette révolution, à Genève, précéda d’une année la défaite du sonderbund (novembre 1847). (R. C.)