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ŒUVRES DE STENDHAL.

Un mètre cube de rocher, transporté hors de la galerie, coûte, en 1837, treize francs, et sous Napoléon en coûtait dix-huit.


— Briançon…

Forteresse singulière, garnison où l’on s’ennuie. On ne peut être assiégé que pendant les quatre mois d’été.

Une chose rend le caractère dauphinois bien plaisant au dix-neuvième siècle, c’est son inaptitude complète à l’hypocrisie, j’entends l’hypocrisie passive ; car pour la partie active de ce grand savoir-vivre à la mode, il s’en tire aussi bien et mieux que qui que ce soit, le Parisien toujours excepté. Mais enfin il est absolument contre la nature du Dauphinois d’être dupe. De sorte que, même en fléchissant le genou devant la plus triomphante des hypocrisies, il ne peut s’empêcher d’encourir sa haine en montrant, par quelque détail imprudent, qu’il n’est pas sa dupe.

Dans la plupart des villes, le parti républicain fait des niches au juste-milieu ; mais, comme celui-ci est le plus riche, il s’empare par l’éducation des enfants des républicains. Il y a des institutions de toutes les formes et sous tous les noms : les Ignorantins, les Filles de la Providence, l’institution de Saint-Joseph, celle de Saint-Philippe, les Filles repenties, les Jeunes ouvrières, la Société des peigneurs de chanvre, etc. Tout cela est mené avec le zèle du prosélytisme, on étouffe l’enseignement mutuel. Les classes élevées croient être bien fines et consacrent une partie de leur revenu à donner de l’éducation aux enfants des classes pauvres, dans l’espérance qu’arrivés à l’âge de raison ils n’aimeront pas la liberté. Les pauvres plaisantent de cette finesse avec leurs enfants.

Je me suis promené ce matin avec un beau jeune homme fort instruit et parfaitement aimable. Il écrivait ses confessions, et avec tant de grâce que son confesseur le lui a défendu.

— Vous jouissez une seconde fois de vos péchés en les écrivant ainsi, dites-les-moi de vive voix.