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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

ble, dans un charmant jardin anglais qu’elle a créé. Mais je regrette les arbres séculaires qui, dit-on, ornaient ce lieu, il y a trente ans. À Vizille, comme partout, l’industrie a succédé à la féodalité. La fabrique de Vizille a occupé jusqu’à douze cents ouvriers ; autrefois on y imprimait des toiles de coton ; on y imprime maintenant des tissus de soie pour foulards.

J’ai vu dans le château une chambre dorée, habitée jadis par Lesdiguières ; l’incendie de 1826 a épargné la demeure de ce grand homme.

La mine d’argent que j’allais chercher à Allemont se trouve à une lieue et demie sur la gauche, avant d’arriver au Bourg-d’Oysans ; il y a là une fort jolie maison bâtie aux frais du comte de Provence. Les montagnes de ce pays sont imposantes, et il y a des détails charmants. (N’est-ce pas là précisément ce que l’analyse fait découvrir dans cette fameuse beauté italienne dont on parle tant ?) Nous sommes au milieu des plus grandes Alpes, mais je suis trop fatigué pour décrire avec quelque justesse ; je tomberais dans les superlatifs.

En revenant du Bourg-d’Oysans, j’ai visité le haut fourneau de Riou-Pérou.


— Vizille, le 22 août.

Je me suis établi dans le parc, à l’ombre d’un grand sycomore ; je mets à l’encre toutes les pages précédentes de ce journal. Tous ces pays doivent être horriblement froids pendant six mois de l’année ; mais au mois d’août on entrevoit des sites délicieux, et qui donnent l’idée de s’y arrêter deux ou trois jours. J’ai à me louer infiniment de l’obligeance de M. B…, de Vizille, qui a bien voulu répondre à toutes mes questions.

— Si, après le Bourg-d’Oysans, lui disais-je, on allait toujours devant soi, où arriverait-on ?

— À Briançon ; il y a vingt-trois lieues par la route du Lautaret, que Napoléon avait fait commencer. Vous trouveriez de longues galeries creusées dans des rochers de granit fort durs.