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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

impuissante à trouver les édifices commandés par le climat et les mœurs, elle devrait plutôt copier les constructions gothiques. Quoi de plus laid que les maisons où elle place des colonnes grecques ?

L’idée d’avoir à Paris le Panthéon de Rome, quelques temples de Grèce, ou même la Maison Carrée, ce qui serait fort aisé à cause de la magnifique description qu’en a donnée Clérisseau (1778), paraîtra toute simple en 1880, quand les enfants qui sont actuellement au collége seront ministres. Les temples antiques n’auront contre eux que leur peu d’élévation.

Voici un mot de description de la charmante Maison Carrée. (Je supplie de lire ceci en présence d’une estampe, si mauvaise qu’elle soit.) Elle ressemble, en petit et en très-petit, à la Madeleine, avec cette différence que les colonnes des côtés sont engagées dans le mur.

Elle a six colonnes de face, et onze sur le côté, en comptant deux fois celles des angles. Huit de ces colonnes sont à moitié engagées dans les murs ; les trois autres, entièrement isolées, forment au-devant du temple un portique ouvert dont l’effet est admirable.

Ces trente colonnes, dont dix sont isolées et vingt engagées, sont d’ordre corinthien. Leur hauteur est de vingt-sept pieds trois pouces trois lignes, et leur diamètre de deux pieds neuf pouces. Elles sont éloignées l’une de l’autre de moins de deux diamètres, et l’entre-colonnement du milieu est un peu plus large. Les chapiteaux décorés de feuilles d’oliviers sont fort élégants, ainsi que les ornements de l’entablement ; on blâme les modillons.

La longueur de l’édifice est de soixante-douze pieds, sa hauteur et sa largeur de trente-six ; le mur du temple dans lequel les colonnes sont à demi engagées est épais de deux pieds et construit en belles pierres blanches. Il est garni de refends légers, et oppose ainsi un fond tranquille à la délicatesse des cannelures.