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MÉMOIRES D’UN TOURISTE.

deux principaux sont en retraite par rapport aux deux plus petits.

La porte Saint-André a comme celle d’Arroux deux grandes arcades, et sur les côtés deux petites : au sommet on voit six petites arcades ; il n’en manque qu’une. Cette porte est mieux conservée que l’autre. On ne conçoit pas comment des murs aussi minces ont pu résister à tant de siècles et à tant de Barbares.

Il est encore plus singulier que les citoyens d’Autun n’aient pas détruit ces arcs de triomphe pour bâtir leurs maisons. Ils ont achevé de démolir pour ce noble usage le grand amphithéâtre indiqué ci-dessus, et dont les savants les plus respectables, par exemple Montfaucon, ont publié des dessins imaginaires. Ce singulier et audacieux mensonge, emblème parfaitement approprié à la science archéologique, se renouvelle encore de nos jours.

Ainsi, dans les ouvrages d’archéologie, les gravures méritent autant de confiance que les raisonnements.

Après les deux admirables portes ou arcs de triomphe, je suis allé, hors de la ville et au delà de la petite rivière d’Arroux, voir le temple de Janus. C’est un édifice carré du Bas-Empire, et dont il ne reste plus que deux murailles fort élevées, celles du midi et du couchant. On entrait dans ce temple par le côté de l’est. Le paysan auquel appartient le champ se plaint de ce que cette masure attire des curieux qui causent des dégâts, et je pense que bientôt il obtiendra des autorités la permission de la démolir.

Dans un village voisin d’Autun, on va voir la pierre de Couhard, monument inexplicable. Quels Barbares l’ont construit ! C’est une pyramide qui a encore une cinquantaine de pieds de hauteur ; elle est bâtie en pierres assez grosses, irrégulières, liées par un ciment très-dur. Les paysans les arrachent pour construire leurs maisons. Il faut voir à Autun une belle mosaïque représentant le combat de Bellérophon contre la Chimère, et les pierres gravées et médailles de la mairie.

L’esprit enflammé par ces nobles restes de l’antiquité, c’est