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de la Salute ; admirable lumière, grande exactitude ; mais toujours le même tableau.

6° Portrait de femme habillée en noir. Tête pleine de pensée, d’expression, de vérité, attribuée à Philippe de Champagne. Ce costume n’est-il pas beaucoup plus moderne ?

7° Fort jolie tête de sainte, que l’on dit d’Annibal Carrache. Tableau gracieux de l’école de Bologne, peut-être d’Élisabeth Sirani, l’élève du Guide. J’ai vu quelque chose de semblable dans la galerie Rossi, à Bologne.

8° Un saint meurt ayant les bras en croix. C’est hideux, vrai, un peu dur, au total, ressemblant au Guerchin, par conséquent école espagnole.

Comme je donnais mon avis insolemment à haute voix, parlant à mon nouvel ami le Vendéen et à sa femme, nous sommes abordés familièrement par un monsieur tout gris, sec et pincé. Ce personnage m’amuse, il ne manque ni d’esprit, ni de connaissances en peinture, ni même d’opiniâtreté. Il me prend pour un connaisseur, et nous voilà en conversation réglée pendant deux grandes heures.

« J’apprends que son musée est l’un des plus recommandables de France : tel tableau a été infiniment loué par le directeur de Berlin, et par M. E…, savant bien connu, jeune homme grave qui ne parle pas tous les jours, réfléchit beaucoup et ne fait connaître son opinion qu’après mûre réflexion. (Ceci était sans doute une épigramme à mon adresse. Comme le Vendéen me plaît, nous bavardions beaucoup, nous nous appelions d’un bout des salles à l’autre.) Nous avons ici, a continué l’homme pincé, près de quarante tableaux provenant de l’ancien musée Napoléon ; puis la ville a acheté à la vente de M. Cacault, Nantais et ancien ambassadeur à Rome, une grande quantité de tableaux de sa magnifique collection. »

N°9. « Voyez cette tête d’un chevalier croisé par le célèbre Canova ! Qu’en pensez-vous ? — Je la trouve au-dessous du médiocre ; c’est mou, fade, sans expression, de la vraie peinture de