jours, s’empareraient des faits énoncés dans les trois premières pages du journal du gouvernement. S’ils prétendaient avoir reçu la même nouvelle, on leur demanderait la lettre timbrée à la poste.
Je croyais d’abord que c’était le zèle tout seul, ou le désir de l’avancement, qui portait MM. les préfets à donner des ridicules au gouvernement par leur malheureux journal. Pas du tout ; M. C… vient de m’apprendre que les préfets sont tenus de faire imprimer à leurs frais une quantité d’avis qu’ils doivent distribuer à toutes les communes de leurs départements. Ces messieurs trouvent fort ingénieux de faire payer aux communes, sous prétexte d’abonnement, les dépenses qu’eux-mêmes devraient acquitter de leur bourse.
Le commis doué de toutes les vertus, qui fait des phrases en l’honneur de M. le préfet et du ministère, reçoit 3, 000 francs d’appointements, et se croit destiné à une magnifique sous-préfecture. Le pauvre diable qui rédige le journal de l’opposition gagne à peine douze cents francs ; mais il n’y a pas de bonne fête chez les libéraux du pays où il ne soit des premiers invités, tandis que la conversation habituelle des amis les plus chauds du préfet et du gouvernement consiste à se moquer des stupidités qu’ils ont lues le matin dans le journal de la préfecture. On se donne par là un air d’indépendance et de supériorité, on croit faire entendre qu’on sait les vraies raisons des choses et les dessous de carte.
Si le gouvernement adopte jamais l’idée d’envoyer dans les départements, au prix de quarante francs pour les particuliers et de vingt francs pour les communes, trois pages amusantes, il fera tomber les trois quarts des journaux de province. Ce serait un grand mal, selon moi.
Un provincial est toujours un peu moins arriéré et un peu moins envieux au moment où il vient de lire un journal ; c’est le contraire du Parisien, que le journal hébète. Je ne me suis donc laissé aller à l’idée d’écrire cette rêverie que bien convaincu