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Comme je ne pouvais exposer mes idées qu’après les avoir mises en petite monnaie, mes paroles n’avaient rien d’imprévu pour moi, et jamais je n’ai eu le désagrément de heurter les opinions de mon interlocuteur. J’ai acquis ainsi deux ou trois amis pendant ma vie de diligence, qui certainement me voient avec plus de plaisir que mes amis de Paris que je contredis quelquefois à mon insu. Je ne saurais trop dire combien la partie active de la nation est satisfaite du gouvernement du roi, tout en répétant avec bonheur les phrases du Charivari.

Pendant les instants d’ennui qui, parfois le soir, venaient m’assaillir, j’ai été obligé de faire attention à beaucoup de détails auxquels certainement je n’eusse pas songé sans l’isolement qui me forçait à faire flèche de tout bois. On ne se souvient parfaitement que des paysages devant lesquels on s’est un peu ennuyé.

Mais au total, je le répète, je me suis fort bien trouvé de cette solitude absolue d’un mois ; sous prétexte de convenances et par la vanité que les gens communs mettent à les bien observer, la société se fait tous les jours tellement hypocrite, qu’il est permis de trouver que ses gênes l’emportent sur ses agréments. Heurter les convenances ne serait rien sans le remords qui suit le crime, mais je suis peiné de voir la douleur de vanité que j’inflige à l’homme poli qui causait sans défiance avec moi, et qui reçoit tout à coup une réponse imprévue. Il entrevoit la possibilité de rester court.

L’absence de la peine de faire de la peine, jointe à l’augmentation du nombre et de l’énergie des sensations, fait peut-être tout le charme de la solitude ; celle du voyageur est d’ailleurs amusée par le mouvement, par la diversité et la nouveauté des aspects.

La diligence de la Charité s’est arrêtée un instant à Rousselan ; c’est une poste qui consiste en une seule maison au milieu d’un champ environné de grands bois. Peu de sites m’ont donne davantage le sentiment de l’isolement complet, j’ai passé là un