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son cas au vieux général R…, son protecteur. À tout ce qu’il peut dire, le général ne répond que par ces huit mots, vingt fois répétés de sa petite voix claire : Silence, ou l’on va se moquer de toi. Il paraît qu’il n’a pas suivi ce conseil ; car toute la ville se moque de lui avec délices, et l’on parle de donner un second dîner en son honneur.

Dans plusieurs des sous-préfectures que je parcours cette année, je trouve une violente pique d’amour-propre établie entre M. le sous-préfet et ceux qu’il appelle ses administrés. Il vaudrait mieux être juste des deux côtés. Je n’avais rien vu de pareil les années précédentes. La France comprend l’élection, et les conseils généraux et d’arrondissement vont faire des pas de géant. On y verra des discussions réelles, et non plus convenues d’avance ; et l’on portera à la députation l’homme qui aura montré du caractère dans ces discussions.

Dans un chef-lieu de préfecture, où je me trouvais il y a peu de jours, les quatre chefs des grands services sont de fort honnêtes gens : ce sont :

Le directeur des contributions directes, chef du cadastre ;

Le directeur des contributions indirectes ;

Le directeur de l’enregistrement et des domaines ;

L’ingénieur en chef.

Avec ces quatre hommes et de bonnes manières, le préfet, quelque neuf qu’il soit, peut faire une excellente figure à Paris.

Après ces quatre-là viennent :

Le payeur ;

Et le receveur général, beaucoup moins importants.

Le préfet peut choisir cinq hommes de mérite pour conseillers de préfecture ; mais il s’en garde bien. Par jalousie du pouvoir, on ne nomme guère que des incapables.

Un préfet qui oserait sortir un peu de l’ornière pourrait faire gouverner chacun de ses bureaux par un conseiller de préfecture.