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coutumé. Il me suffira de dire que l’abside[1] est peut-être du huitième siècle, c’est-à-dire d’une époque fort antérieure à la grande barbarie du dixième. Je ne sais si jamais j’aurai l’audace de présenter au lecteur l’histoire de l’art gothique : ce sont huit ou dix pages fort arides à parcourir, c’est un désert qu’il faut traverser ; mais aussi une petit masure telle que Saint-Quinin, la plus insignifiante du monde pour l’honnête propriétaire des environs, occupe vivement l’attention pendant deux ou trois jours.

La cathédrale est une basilique à trois nefs : celle du milieu est fort large ; c’est un trait caractéristique qui me plaît beaucoup dans toutes les églises romanes (c’est-à-dire imitées de l’architecture romaine, lorsque, au onzième siècle, après la fin du monde, le clergé fut assez riche pour bâtir) ; cet amour pour les nefs larges me prouve bien que je n’ai pas le vrai goût du gothique.

Les voûtes et les arcades intérieures de cette cathédrale primitive forment des ogives à base très-large. Elle présente un autre des grands caractères de l’architecture romane : le toit de la nef principale s’élève peu au-dessus du toit des deux nefs ses voisines.

Ce fut probablement vers l’an 910 que cette cathédrale fut fondée, mais elle fut réparée dans les siècles suivants. Nous serions trop heureux d’avoir un édifice pur de l’an 910. Avant le onzième siècle, beaucoup d’églises avaient des toits en bois, et non pas des voûtes qui semblaient trop difficiles à faire aux barbares de cette époque. C’est à cause de la charpente de son toit que l’église de Saint-Paul hors des murs, à Rome, a brûlé en 1823.

Dans un cloître ruiné, à gauche de la cathédrale, se trouvent sur un mur quatre vers léonins qui exhortent les moines à pren-

  1. Petit avancement arrondi, au fond de l’église, derrière le maître-autel.