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ŒUVRES DE STENDHAL.

sat, notaire, l’homme le plus influent de Vienne, et qui règne par la bonté.

La ville moderne est bien laide, mais en revanche sa position est admirable ; j’aime bien mieux cette chance-là qu’une ville bien bâtie et jetée dans un fond, comme le château de Fontainebleau, par exemple.

Vienne, que les Romains appelaient Pulchra, existe moitié sur le penchant des coteaux qui dominent le cours du Rhône, moitié sur une petite langue de terre qui s’étend entre le fleuve et ces coteaux. Elle est entourée de montagnes, les unes pelées, les autres couvertes de bois taillis ; leurs profils variés terminent son horizon d’une façon singulière.

Pour prendre une idée générale des montagnes et du cours du Rhône, j’ai eu le courage, malgré la chaleur excessive, de monter jusqu’aux ruines d’un vieux château qui couronne le mont Salomon. De ce point, la vue est étonnante ; il semble que le Rhône ait renversé les rochers et les collines pour se frayer un passage. Lorsqu’il arrive à Vienne, le fleuve coule, comme prisonnier, entre de hautes murailles de rochers. Vers le milieu de la ville, la Gère, petite rivière qui descend d’une haute vallée, et fait tourner les roues d’une quantité d’usines et de fabriques de draps, vient se jeter dans le Rhône.

Vienne fut le principal lieu des Allobroges. Ce peuple belliqueux avait pour limites le Rhône, l’Isère et les Alpes ; il fut vaincu d’abord par Domitius Ænobarbus, et enfin soumis par César. Après la conquête, Vienne fut la principale ville de la province romaine ; Tibère la fit colonie romaine.

Il y a ici quatre choses à voir, et cinq ou six heures suffisent pour cela :

1° Le petit temple antique dont l’évêque Burcard a indignement rogné les colonnes ; de plus, il a rempli les entre-colonnements par un vilain mur. On l’appelle le Prétoire. C’est maintenant le musée ;

2° L’église gothique de Saint-Maurice, assez commune, mais